#coran
#foi
#homme
#lhomosexualité
#relation
#religion
#sodomite
16 mars 2024

Pourquoi ça n'a pas marché avec ce gars ?

Voilà, je travaille dans une administration publique et je crois que je suis bisexuel, mais je n’ai jamais pratiqué de relations avec des hommes, car ma religion me l’interdit formellement et je n’ai jamais flashé sur quelqu’un mais depuis août 2007 j’ai rencontré un jeune homme (moins 2 ans que moi) et il semblait m’apprécier. Il est rentré au travail en août 2008, et je pense beaucoup à lui depuis cette date. J’ai fait le premier pas en janvier 2009 et lui envoyant des mails ou je lui dit que je l’aime mais il ne me parle plus, pourtant j’étais sur qu’il semblait m’apprécier. Il semble androgyne et nous sommes tous les deux beaux.
Je regrette profondément ce je lui ai dit.

Benoît

Bonjour Adam.

Tout d’abord, je te remercie de t’être adressé à nous.

Dans ton message, tu nous révèles que tu te crois bisexuel, que tu as rencontré un garçon à qui tu as déclaré ton amour, que ce dernier ne te parle plus depuis et que, par conséquent, tu regrettes de lui avoir ouvert ton coeur. Je perçois deux aspects dans ton témoignage, à savoir la foi musulmane et l’amour. Si tu le veux bien, nous allons les analyser distinctement.

Dans un premier temps, tu nous apprends que tu n’as « jamais pratiqué de relations avec des hommes, car (ta) religion (te) l’interdit formellement. » Il est vrai que la religion musulmane, en tant qu’institution – c’est-à-dire fondée et gouvernée par des hommes -, s’est toujours prononcée contre l’homosexualité et ce, sans aucune ambiguïté. Cependant, même les meilleures institutions ne sont pas dénuées d’imperfections. Que le saint Coran soit considéré par les musulmans comme étant la Parole d’Allah ne change rien au fait qu’on peut, parfois, mal en interpréter le sens. Alors je pense qu’avant de donner raison aux ayatollahs et aux imams – de simples humains avec leurs faiblesses et leurs défauts – il convient d’utiliser notre intelligence et notre coeur, des atouts précieux qu’Allah donne à chacun de nous, afin de mieux comprendre Sa Volonté. Et pour La connaître, cette même Volonté, nous avons reçu la révélation du Coran.

Or, que dit ce livre sacré au sujet de l’homosexualité? Très peu de chose. En fait, nous pourrions même dire que l’homosexualité telle qu’elle est vécue de nos jours, c’est-à-dire comme étant une relation affective et/ou sexuelle entre hommes, fondée sur le respect mutuel, n’est aucunement présente dans le Coran. Dans ce cas, pourquoi les autorités en matière de foi musulmane condamnent-elles cette orientation sexuelle? Tout simplement parce qu’elles ont mal interprété le récit de Loth et des habitants de Sodome.

Résumons en quelques mots cette célèbre histoire : Allah voulait détruire la ville de Sodome et tous ses habitants parce qu’Il les jugeait corrompus. Cependant, Abraham est plein de compassion pour les malheureux Sodomites et plaide en leur faveur. Allah décide alors d’envoyer, sous une apparence humaine, deux anges afin qu’une enquête soit menée pour déterminer si, oui ou non, la ville mérite l’anéantissement. Les anges sont hébergés par Loth, le fils d’Abraham, qui les prend pour des visiteurs étrangers. Cependant, les Sodomites ont vent de la nouvelle et se ruent chez Loth. Ils lui réclament alors ses invités avec la ferme intention de les violer. Le fils d’Abraham refuse et propose même aux enragés citoyens ses deux filles vierges en guise de « compensation », ce que les Sodomites refusent : ils tiennent à violer les deux anges! C’est alors qu’Allah décide de faire périr des êtres si pervers : « Qu’elle fut terrible la pluie (de pierre) qui tomba sur ces hommes qu’on a averti en vain! » (Sourate 27, 58). Tous les passages du Coran qui condamnent supposément l’homosexualité se réfèrent à cette histoire.

Voyons maintenant ce qu’on reproche exactement aux Sodomites. Tout d’abord, on les accuse d’avoir des vices, mais sans préciser lesquels (« Auparavant, ils commettaient de mauvaises actions… » – Sourate 11, 78). Ensuite, on leur reproche de trahir le lien conjugal, de se rendre coupable d’adultère (« (…) délaissez-vous les épouses que votre Seigneur a créées pour vous? Mais vous n’êtes que des gens transgresseurs. » – Sourate 26, 166). Par ailleurs, lorsque Loth met en garde les Sodomites contre la colère divine, ces derniers font preuve d’arrogance et de témérité. En effet, ils répliquent effrontément en disant : « Fait que le châtiment d’Allah nous viennent, si tu es du nombre des véridiques. » (Sourate 29, 29). Enfin, et c’est là le crime le plus abominable, les Sodomites veulent violer les anges. C’est donc le viol – et non l’homosexualité! – qui est souverainement détestable à Allah. Cette intention criminelle est d’ailleurs particulièrement choquante pour Loth, l’hôte des anges, car, en vertu des lois qui régissent l’hospitalité, ces invités doivent être sous sa protection, donc en sécurité. Voilà pourquoi le pauvre homme s’est exclamé : « Craignez Allah donc, et ne me déshonorez pas dans mes hôtes. » (Sourate 15, 68). Il y a donc, ici, une double intention de viol : celle de la loi de l’hospitalité et celle de l’intégrité physique des visiteurs. En aucune façon, on ne peut utiliser l’histoire de Sodome pour condamner l’homosexualité comme relation d’amour entre adultes consentants.

Par ailleurs, que nous apprend le Coran sur l’attitude d’Allah à l’égard des hommes et des femmes? Qu’Il est infiniment bon : « Mon Seigneur est vraiment Miséricordieux et plein d’amour. » (Sourate 11, 90). On aurait donc tort de voir en Dieu l’image d’un être cruel qui se plaît à tourmenter ses créatures. Tellement bon est le Seigneur qu’Il ne saurait refuser le bonheur éternel à ceux qui vivent dans l’Amour, y compris les gays, les lesbiennes, les bisexuels et les transsexuels. En effet, il est écrit : « Certes, ceux qui croient, font de bonnes oeuvres et s’humilient devant le Seigneur, voilà les gens du Paradis où ils demeurent éternellement. » (Sourate 4, 23). En résumé, Allah promet ses faveurs à quiconque possède la foi, la charité et l’humilité, sans considération concernant l’orientation sexuelle.

Je conçois qu’il n’est pas évident, quand on vit dans une société régit par la vieille mentalité islamique, d’être à la fois bisexuel et musulman. Cependant, si la spiritualité occupe une place importante dans ta vie, ta situation pourrait être une formidable occasion pour repenser ton rapport à Dieu, pour développer avec Lui une relation personnelle, loin des préjugés de l’institution religieuse. Autrement dit, tu n’as pas à refouler tes pulsions homosexuelles pour être un bon musulman aux yeux d’Allah; de même, tu n’as pas à renier ta foi pour vivre une sexualité épanouie. Tu as parfaitement le droit d’être toi-même, c’est-à-dire à la fois bisexuel et musulman. Par contre, tu dois savoir que la prudence est de mise si tu veux avoir des relations sexuelles avec un garçon. En effet, le droit pénal algérien condamne ceux qui commettent des actes homosexuels à des peines de prison allant de 1 à 2 ans et à une amende pouvant s’élever à 2000 dinars.

Ensuite, tu nous as parlé de tes mésaventures avec un jeune homme à qui tu avais ouvert ton coeur. Tu t’étonnes de ce qu’il ne partage pas tes sentiments car tu étais sûr qu’il t’appréciait. Il faut être prudent avec les impressions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Ce garçon pouvait effectivement t’apprécier, mais comme ami, comme collègue de travail. Peut-être aurais-tu dû tâter davantage le terrain avant de te déclarer, surtout dans le contexte social dans lequel tu vis et où l’homosexualité est si taboue. Par ailleurs, tu t’étonnes d’autant plus qu’il ne soit pas amoureux de toi quand tu écris : « il semble androgyne et nous sommes tous les deux beaux. » Là encore, il faut se garder de sauter trop vite aux conclusions. Un garçon peut avoir des traits qualifiés de « féminins » sans être attiré par les hommes. Inversement, un gars peut très bien être à la fois d’apparence virile et gay. En fait, l’apparence physique n’a absolument rien à voir avec l’orientation sexuelle d’une personne. Et, contrairement à ce que tu sembles croire, les gays ne sont pas tous forcément beaux et la laideur ne saurait être un critère pour identifier les hétérosexuels…

Je note que tu éprouves des regrets suite à ta déclaration amoureuse. S’il est vrai qu’il eût été plus sage de ne pas précipiter les choses, je ne pense pas que tu doives regretter une action si belle. Dévoiler des sentiments amoureux, qu’ils soient réciproques ou non, fait partie de ces gestes nobles qui élèvent l’âme humaine et lui permettent de grandir. Par conséquent, j’espère que ce premier échec ne te découragera pas au point de nuire à ta réflexion sur ton orientation sexuelle et ne t’empêchera pas de t’intéresser à d’autres garçons. Certes, tu pourrais refouler tes désirs, les nier complètement et mener une vie en parfaite conformité avec les standards sociaux d’Algérie. Cependant, si tu es une personne bisexuelle ou homosexuelle, une telle vie ne pourra que te rendre malheureux…

Si jamais tu te sens seul et que tu as le goût de partager ce que tu vis avec des jeunes gays, je te recommande de t’inscrire à la « Zone des AlterHéros », que tu trouveras sur notre site. Je suis convaincu que tu y feras de belles rencontres virtuelles. Bien sûr, je t’invite aussi à nous réécrire si jamais tu traverses des périodes difficiles ou, simplement, si tu veux nous tenir au courant de ton cheminement.

Je te souhaite, Adam, et du fond du coeur, de trouver le bonheur et de toujours grandir dans l’amour. Mes pensées t’accompagnent à travers cette quête difficile que tu mènes. Qu’Allah soit avec toi!

Bonne chance!

Benoît

Similaire