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15 mai 2010

Je ne sauverai pas le monde...

Ceci est une histoire assez personnelle, une réflexion qui a pris naissance suite à une conversation avec une amie qui hésite à faire son coming-out…

AlterHéros

Tout a commencé avec une crème glacée, une fraîche soirée de mai, une discussion. Le sujet? Deux frères homosexuels et leurs parents qui ‘doivent capoter’. Capoter à cause de plusieurs raisons, mais surtout à cause du regard des autres sur eux et sur leurs enfants. Des jugements! De la bêtise humaine. ‘Voyons, deux gars homosexuels, c’est tout un hasard… ou peut-être pas…’

D’accord. Ça va! C’est normal pour des parents de s’inquiéter du regard des autres sur leurs enfants ainsi que sur leur propre personnes.

Mais cette réflexion venant d’une personne de mon entourage qui hésite à faire son coming-out (en fait, qui envisage à peine de le faire), ça fait mal. Parce que l’ensemble de la conversation sous-entendait que cette personne hésite plus à faire un pas dehors à cause des conséquences que ça pourrait avoir sur son entourage que pour elle-même.

D’accord, c’est parfois ainsi. Mais ça m’agace au plus haut point. Et ça me fait de la peine de constater comment cette personne cache son jeu depuis longtemps. Ainsi elle passe à côté d’un immense sentiment de liberté pour éviter de déplaire. Tout ça, pour ne pas froisser, pour ne pas déranger.

Je sais que ce n’est pas facile pour tout le monde. Je sais que je suis chanceuse, mon coming-out s’étant très bien déroulé. Je sais que des gays et des lesbiennes se font mettre à la porte lorsqu’ils annoncent leur homosexualité à leurs parents. Je sais que certains se font lapider à mort, pendre et jeter dans des fosses. Je sais que le taux de suicide est alarmant, au Québec comme ailleurs, chez les jeunes homosexuels. Je sais qu’on passe notre temps, ici au Québec, à se traiter de tapettes, à dire que c’est gay et que c’est donc ben fif, et que ça blesse profondément des gens, dans les écoles, au travail. Je sais qu’il y a des gens qui se travaillent très fort pour améliorer les choses à ce niveau-là… parce qu’il y a un besoin important. Comme s’il y avait une ‘industrie de l’anti-homophobie’.

Mais je trouve donc ça triste, malgré toutes ces choses qui se passent ici et ailleurs, qu’une personne que j’adore s’empêche de dire au monde de qui elle est amoureuse, qu’elle soit pas capable de dire pourquoi elle est heureuse ou pourquoi elle a de la peine, qu’elle puisse pas participer sans retenue aux conversations de soupers entre amis ou en famille… à cause de la peur de déranger.

J’ai appris, avec le temps, à moins me soucier de ce que les autres pensent de moi, de ce que je suis, ce que je fais et la façon dont je le fais. Ça ne fait pas de moi une personne immunisée contre les jugements: un de mes passes-temps favoris est de rougir. Et ce n’est pas parce que je suis une mignonne petite fille. J’aime bien aussi avoir les mains moites à l’occasion. Et je n’aime pas quand ma blonde chante trop fort dans son propre appartement, parce qu’elle pourrait déranger son coloc qui tue des gens sur son PC. J’ai aussi mes propres jugements, parfois pas très respectables. J’ai donc encore beaucoup de chemin à faire.

Ce n’est donc pas parce que je suis une personne qui ne pense qu’à elle-même et qui se fout totalement du regard des autres que je réagis de la sorte et que j’ai foncé à 100 à l’heure pour ne pas me cacher. Je sais que mon amie n’est pas tout à fait prête pour faire le premier pas et je ne la forcerai pas à le faire tant qu’elle ne trouvera pas le courage de passer à l’action. Mais je deviens particulièrement sensible et inflammable devant ceux qui restent pour des raisons comme celle-là, parce qu’à cause du regard des autres, ce qui pourrait la faire avancer est pour elle un fardeau. Je sais que cette personne qui m’est chère n’est pas la seule à ne pas pouvoir dire ‘quand je vais le faire’ et encore moins ‘pendant que je le fais’ au lieu de ‘si je le faisais’ et ça me fait tellement de peine…

Je me sens comme une sale éponge. Je ne sais pas si j’ai épongé sa douleur ou celle de tous ceux et celles qui sont passés par là, mais je suis gonflée comme si j’avais aspiré le Saint-Laurent au complet.

Je ne sauverai pas le monde…
Parce que je suis trop pressée de savoir les gens heureux.
Et libres.

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