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29 mars 2024

Comment se passe l'orgasme chez un homme trans ?

Bonjour,
J’enseigne le cours psychologie de la sexualité et je ne trouve pas réponse à une question d’une étudiante:
« Est-ce qu’une femme qui fait un changement de sexe pour devenir un homme vivra une phase réfractaire lors de la réponse sexuelle?  »
En fait, elle s’interroge aussi sur l’orgasme d’un homme trans puisqu’il n’y a pas d’éjaculation.
Elle a lu que l’érection pouvait être obtenue volontairement grâce à un dispositif dans la cuisse.
Je vous avoue méconnaître cette réalité.
Pourriez-vous m’aider à répondre à l’étudiante?
Merci beaucoup!
Mélissa

Alexanne

Bonjour,

Pour commencer, merci d’avoir pensé à AlterHéros pour répondre à la question de votre étudiante. (N’hésitez d’ailleurs pas à parler de nos services à vos étudiantes et étudiants pour de futures questions liées à la sexualité !).

En réponse à la première question : « Est-ce qu’une femme qui fait un changement de sexe pour devenir un homme vivra une phase réfractaire lors de la réponse sexuelle? », plusieurs éléments sont à considérer.

Premièrement, une personne trans ne devient pas un homme, une femme ou une personne non binaire. Une personne trans entame un processus de transition afin de se sentir en accord avec son identité de genre ressentie. Conséquemment, un homme trans est une personne dont le ou la médecin a coché F (sexe féminin) sur son acte de naissance. Chaque parcours trans est unique en soi. Ainsi, dans le but d’affirmer son identité de genre, plusieurs types de transition peuvent être choisies par ces personnes. Une transition sociale fait référence au dévoilement de son identité de genre à son entourage, par exemple. Une transition légale signifie que la personne a entamé les démarches pour modifier son prénom et sa mention de sexe auprès de la Direction de l’état civil. Finalement, une transition médicale peut comprendre certaines formes de traitements hormonaux ou certains types de chirurgies, selon l’objectif de chaque personne. Pour plus d’informations au sujet des différents vocabulaires à utiliser pour parler de la diversité sexuelle et de genre, vous pouvez consulter ce guide.

On comprend alors que l’appellation homme trans ne nous permet pas de connaître la composition de ses organes sexuels. Un homme trans peut avoir un vagin ou non. Un homme trans peut avoir reçu une chirurgie de réassignation sexuelle ou non. Un homme trans peut être intersexe ou non. Dans le cadre de votre question, je comprends que vous faites probablement référence aux situations de réponses sexuelles advenant une chirurgie au niveau des organes sexuels, est-ce bien cela ?

Alors abordons maintenant la question de la phase réfractaire. La phase réfractaire en soi est un concept mitigé actuellement. Pour vulgariser sa description, la période réfractaire serait un moment après l’orgasme où une personne avec un pénis serait récalcitrante à avoir des activités sexuelles pour différentes raisons comme l’hypersensibilité allant jusqu’à une douleur au niveau du gland. Ce concept, faisant partie du modèle linéaire de la réponse sexuelle élaboré par Master and Johnson, ne s’applique théoriquement qu’aux hommes cisgenres (c’est-à-dire dont l’identité de genre et le genre assigné à la naissance sont alignés). Son modèle ne tient effectivement pas compte des variations de genre, de l’hormonothérapie et des chirurgies de réassignation sexuelle.

 

Or, plusieurs femmes cisgenres ou homme trans dont l’organe sexuel est un vagin, après avoir eu un orgasme, mentionnent ressentir les mêmes symptômes. Certaines mentionnent que leurs clitoris est hypersensible et parfois même douloureux et qu’elles et ils ressentent momentanément une baisse de désir sexuel. L’unique différence réside dans l’incapacité à avoir une érection complète pour les personnes ayant un pénis (permettant différentes formes de pénétration).

 

Également, le modèle de Master and Johnson ne considère pas que les femmes cisgenres aient de période réfractaire puisque certaines femmes cisgenres auraient une capacité multi-orgasmique. Toutefois, nous savons actuellement que certains hommes cisgenres peuvent également avoir cette capacité. On peut donc dire déjà que le concept de la période réfractaire est une théorie scientifique s’inscrivant dans son époque et nécessitant d’être réactualisée.

 

Alors, si je me permets de reformuler la question «Est-ce qu’une femme qui fait un changement de sexe pour devenir un homme vivra une phase réfractaire lors de la réponse sexuelle?» de la sorte :  «Est-ce qu’un homme trans ayant eu une transition médicale comprenant une chirurgie d’affirmation de genre au niveau des organes génitaux vivra une phase réfractaire lors de la réponse sexuelle?»

 

La réponse est : Ça dépend.

 

Afin de répondre le plus adéquatement possible aux questionnements de votre étudiante, j’ai fait appel à l’expérience de vie d’un homme trans ayant réalisé une métaidoplastie pour que la réponse soit le plus sensiblement représentative du vécu d’une personne trans.

Selon l’homme trans que j’ai interrogé, celui-ci m’a répondu que « l’orgasme ne change pas vraiment. Les difficultés psychologiques et les changements liés aux hormones peuvent amener une difficulté à obtenir l’orgasme, puisque le corps subi d’importants changements ».

 

Il faut savoir avant toute chose qu’il existe deux types de chirurgie de réassignation sexuelle pour les hommes trans (pour ceux prenant cette décision ! n’oublions pas que plusieurs hommes trans demeurent très confortables avec leur vagin de naissance) :

A) La métaidoiplastie consiste à rabattre les petites lèvres vers l’arrière du clitoris, pour dégagé celui-ci. (Avec la prise d’hormones, le clitoris prend de l’expansion 2 à 4 fois sa grosseur d’origine). Les grandes lèvres sont également modifiées pour accueillir des implants testiculaires. Ensuite, la personne peut choisir de faire changer la direction de la voie urinaire pour pouvoir uriner debout, au travers l’ancien clitoris qui est maintenant son pénis. La personne peut aussi choisir de fermer l’ouverture vaginale, ou non. Cette chirurgie permet de recréer un pénis qui pourra, ou non, permettre la pénétration, selon la réaction du corps face aux hormones. (Dans certain cas, le pénis va gonfler et devenir plus dur, et très sensible aussi. Dans d’autres cas, les sentiments d’excitation se feront plus à l’intérieur, mais visuellement il n’y aura pas de différence.) Certaines personnes ayant opté pour la métaidoiplastie apprécient l’usage de différentes sortes de prothèses péniennes et de godes-ceintures pour faciliter la pénétration. 
B) La phalloplastie est une chirurgie plus éprouvante et fait en plusieurs étapes[1] :

  1.  Prélèvement d’un lambeau sur toute l’épaisseur de l’avant-bras du bras non dominant (peau, nerfs, veine et artère) permettant former le phallus (lambeau libre de l’avant-bras);
  2. Prélèvement de peau sur la partie latérale de la cuisse, qui sera ensuite greffée sur l’avant-bras donneur. *Une fois que la plaie sur la cuisse sera guérie, il est possible que le derme de la nouvelle peau présente une légère décoloration;
  3. Création du gland;
  4. Fermeture de la cavité vaginale;
  5. Création du scrotum avec la peau des grandes lèvres;
  6. Enfouissement du clitoris à la base du phallus;
  7. Allongement de l’urètre biologique jusqu’à la base du nouvel urètre pénien (urètre péno-scrotal);
  8. Positionnement du phallus, connexion du réseau vasculaire et nerveux : un nerf clitoridien et un nerf génito-fémoral sont connectés aux nerfs du lambeau de l’avant-bras (phallus);
  9. **Connexion de l’urètre péno-scrotal à l’urètre pénien: Seulement dans le cas où il est indiqué par la personne chirurgienne d’effectuer la construction de l’urètre pendant la chirurgie initiale. Sinon, sera effectué lors de la chirurgie de la Construction de l’urètre;
  10. Fixation du phallus.

Les hommes trans ayant opté pour une phalloplastie n’ont pas d’érection spontanée, même s’ils se sentent sexuellement excités. Toutefois, douze mois après la phalloplastie, il est possible de procéder à une intervention complémentaire afin d’installer une prothèse d’érection pour les personnes le désirant. Cette prothèse peut être une tige comme implant ou une pompe afin d’obtenir une érection lorsque la personne le souhaite. La pompe est insérée dans le bas de l’abdomen et se remplit d’un liquide qui descend dans le pénis pour simuler l’engorgement de sang. « Cette prothèse permet ensuite d’avoir des contacts sexuels avec pénétration. Tous les hommes trans n’optent toutefois pas pour une prothèse d’érection, et même sans cette prothèse, il est possible de ressentir une stimulation sexuelle avec orgasme. Chez les hommes trans qui ont subi une phalloplastie, la partie la plus sensible du pénis ne se situe cependant pas au niveau du gland mais à la base du pénis, là où se situait le clitoris. L’orgasme est par conséquent peut-être un peu différent d’auparavant, mais il n’est certainement pas impossible » [2].

Finalement, pour répondre à la question de votre étudiante sur les changements liés à l’orgasme, il n’y a pas à priori de changements au niveau de l’orgasme, mais certaines personne trans ont de la difficulté à y parvenir, à cause de facteurs psychologiques et physiques, comme l’anxiété ou la douleur. D’autre part, il est important de nommer que la satisfaction par rapport au corps a une influence positive sur la sexualité. Conséquemment, une personne trans ayant modifié certains éléments de son corps peut constater une amélioration quant à sa satisfaction sexuelle. Pour citer un extrait tiré du site d’informations gouvernementales du gouvernement flamand Information Transgenre : « Généralement, après l’opération, la personne passe d’abord par un processus d’adaptation qui peut durer un certain temps, parce qu’elle doit redécouvrir son corps et son fonctionnement sexuel. Une étude menée par l’équipe-genre de Gand montre que 65% des femmes trans et 95% des hommes trans ayant subi une opération au niveau de leur sexe peuvent atteindre l’orgasme grâce à la masturbation (De Cuypere et al., 2005). La plupart des participant.e.s à l’étude peuvent atteindre l’orgasme tant par la masturbation qu’au moyen d’un contact sexuel. Après l’opération, la majorité des répondant.e.s ont signalé une amélioration de leur vie sexuelle, de même qu’une plus grande excitation sexuelle » [2].

 

J’espère que ces éléments aideront à répondre aux questionnements de votre étudiante. N’hésitez pas à réécrire à AlterHéros pour d’autres questions.

Merci et bonne journée à vous.

 

Alexanne Prince-Pelletier

Étudiante au baccalauréat en sexologie et intervenante pour AlterHéros

[1] GRS Montréal, chirurgie de changement de sexe. Récupéré à https://www.grsmontreal.com/fr/chirurgies/femme-a-homme/6-phalloplastie.html 
[2] De Cuypere, G., T’Sjoen, G., Beerten, R., Selvaggi, G. De Sutter, P., Hoebeke, P., Monstrey, S. & Vansteenwegen, A. (2005). Sexual and Physical Health After Sex Reassignment Surgery. Archives ofSexual Behaviour, 34, 6, 679-690. Récupéré à http://www.infotransgenre.be/m/vie-quotidienne/sexualite/operations/

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