28 mars 2024

Mon entourage lesbien semble souffrir d'un cas de biphobie chronique...

Marie-Édith Vigneau

Suite de la question : Comment rendre la communauté lesbienne moins transphobe ?

Bonjour Marie-Édith,

 
Un beau merci pour la réponse ainsi que les encouragements! Je suis soulagée de constater que je ne suis pas la seule à trouver que la transphobie est un réel problème dans les milieux lesbiens. 
 
Je vous retourne quelques brèves questions additionnelles pour compléter nos échanges. Y a-t-il au Québec un organisme similaire au GRIS, mais faisant des interventions visant à dissiper la confusion et les préjugés concernant la diversité de genre? Par ailleurs, je suis familière avec le GRIS Estrie et le GRIS Montréal. Y a-t-il aussi un GRIS (ou son équivalent) en Outaouais?  
 
J’ai lu le message envoyé à la jeune femme se questionnant sur la transphobie, l’asexualité et la bisexualité. Il m’a rappelé que mon entourage lesbien semble trop souvent souffrir d’un sérieux cas de biphobie chronique. Auriez-vous des lectures recommandées à ce sujet? D’autres petits trucs pour aborder les commentaires parfois déplacés de l’entourage sans être ignorée, perçue comme trop sévère ou moralisatrice?
 
Merci pour votre bienveillante présence!
 
Cordialement,
 
Evelyne

Rebonjour Evelyne !

Merci encore pour tes bons mots.

Tu seras peut-être surprise d’apprendre que GRIS-Montréal est présentement en phase d’essai pour un nouveau pan de leur intervention sociale: la démystification de l’identité de genre. Toujours basée sur la culture du témoignage, l’intervention vise à permettre aux gens de poser leurs questions à des personnes trans et non-binaires concernant leurs parcours de vie. L’ATQ (Aide aux Trans du Québec) fait aussi de telles interventions sur demande, lorsque les ressources le permettent. Finalement, la Coalition montréalaise des groupes jeunesse LGBT a développé une formation au sujet des enjeux des personnes non-binaires.

 

Pour répondre à ta seconde question, parmi les GRIS actifs actuellement, on compte le GRIS-Montréal, le GRIS Estrie, le GRIS Québec, le GRIS Mauricie-Centre-du-Québec et le GRIS Chaudière-Appalaches. Toutefois, il y a des intervenant.e.s formé.e.s par les GRIS partout au Québec, donc fort probablement en Outaouais… tout est possible ! Il y a l’organisme Jeunesse Idem qui oeuvre dans la région. Tu peux les contacter au besoin au 819-776-1445 pour en savoir plus sur leurs services, qui sont principalement offerts aux jeunes. Iels connaissent fort probablement des gens qui pourraient offrir des formations permettant de démystifier les parcours trans.

 

Enfin, il est vrai que certaines personnes hétérosexuelles et homosexuelles (pas seulement lesbiennes) démontrent une grande biphobie. On entend effectivement toutes sortes de préjugés à propos des femmes bisexuelles dans les espaces dits lesbiens. Je t’invite à lire ce document du comité LGBT de l’Université de Sherbrooke. Il est loin d’être parfait, mais c’est une base ! Il y a aussi ce texte qui date de l’an dernier. Il s’agit d’un témoignage d’une femme qui vit de la biphobie, tant dans les milieux hétéros que dans les milieux FARSAF (femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes). Le passage le plus intéressant, à mon avis, est celui-ci:

« Après tout, beaucoup de lesbiennes rejettent les femmes qui ont déjà couché avec des hommes (surtout s’ils étaient cisgenres) et qui ont aimé l’expérience. D’autres tiennent des soirées « pour lesbiennes » et disent ne pas pouvoir « parler pour les bisexuelles » et qu’on « devrait se créer nos propres espaces ». Ne pas pouvoir parler pour nous, je comprends… mais est-ce que ça s’étend à ne pas nous prendre en compte quand on parle de soirées et de production de matériel culturel «pour les femmes qui aiment les femmes» ? Est-on invisibles ou lépreuses (on a touché un pénis *Je ne vous fais pas dire à quel point le problème de certaines lesbiennes avec les pénis est ciscentriste et cissexiste.*,  tsé ) à ce point ? C’est triste, mais tout comme être lgb ou q ne garantit pas de ne pas être transphobe, la biphobie rôde également dans nos communautés et nous devons en prendre conscience afin de la déconstruire. »

Un autre témoignage, en provenance de France, cette fois:

“Magazine 100% lesbien. Média lesbien. Radio lesbienne. Soirée lesbienne. Association lesbienne. Cinéma lesbien. Archives lesbiennes. Romans lesbiens. Porno lesbien. Rencontres lesbiennes. Au début, ça ne me dérangeait pas. Je me disais que « lesbienne » était tout simplement utilisé comme terme parapluie pour désigner les femmes qui aiment les femmes. J’étais naïve. Je me trompais. Parfois, on trouve la petite mention « Bisexuelles s’abstenir » qui fait toujours plaisir. D’autres fois, c’est seulement sous-entendu. Ou pire, on considère que ce n’est pas nécessaire de citer explicitement les bi. Car elles seraient comprises dans « lesbiennes » dans le cas où elles seraient avec des femmes. Et si elles sont avec des hommes, de toute manière elles ne seraient pas concernées. Moi, ça me donne envie de chialer. Avant même d’avoir mis un pied dans ces communautés, je me sens exclue d’office. Illégitime. Non concernée. Ignorée. Alors que bordel, je suis légitime, concernée et je dois être inclue ! Pourquoi la visibilité et l’identité lesbienne devraient-elles se construire en piétinant celles des femmes bi ? Ne serions-nous pas plus fortes ensemble ? Je ne comprends pas. »

 

J’espère que ces lectures te satisfont. Si tu as le privilège d’avoir accès à des revues scientifiques et que tu comprends l’anglais, je te propose de lire les deux articles suivants:
Speaking Out Loud About Bisexuality: Biphobia in the Gay and Lesbian Community
GL vs. BT: The Archaeology of Biphobia and Transphobia Within the U.S. Gay and Lesbian Community

Enfin, concernant la façon de faire réfléchir son entourage sans paraître moralisatrice, tu peux le faire sous le couvert de l’humour, en accordant certains points aux gens à qui tu parles en rectifiant le tir sur les éléments que tu considères plus problématiques, ou tu peux essayer de questionner les propos, simplement, sans forcément apporter de réponse supplémentaire ou contradictoire. Parfois, le simple fait de semer le doute, ça aide au cheminement !
Voilà. N’hésite pas à nous réécrire au besoin !
Au plaisir !

Marie-Édith, B.A. sexologie, pour AlterHéros

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