Oser parler d'agression sexuelle

AlterHéros

Une fille sur trois sera agressée sexuellement avant d’avoir 18 ans. Chez les garçons, un sur cinq ou six, selon les statistiques.

Pour un parent, c’est le tabou ultime. L’horreur absolue. Imaginer que son enfant soit un jour agressé, c’est insoutenable.

Deux intervenantes sociales viennent de publier un livre sur la question: Comment protéger nos enfants contre les agresseurs sexuels, pédophiles et autres prédateurs, aux Éditeurs réunis.

Cela tombe bien. Car comme l’ont révélé la semaine dernière les corps policiers du Québec à l’occasion du lancement d’une campagne de sensibilisation aux agressions sexuelles, bien des mythes perdurent. Le premier, et le plus tenace : l’agresseur. Non, il ne s’agit pas toujours d’un inconnu à cagoule tapi au fond d’une ruelle. La très grande majorité des agresseurs sont connus de leurs victimes et sévissent dans le confort d’une résidence privée.

«Dans 75 à 85% des cas, la personne est connue», insiste Joëlle Boucher-Dandurand, co-auteure et travailleuse sociale dans un CALACS (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel).

Deuxième mythe : on ne parle d’agression sexuelle qu’en cas de viol. Erreur. «Une agression à caractère sexuel est un acte à connotation sexuelle, avec ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement de la personne visée ou, dans certains cas, notamment dans celui des enfants, par une manipulation affective ou par du chantage», disent les auteures.

Cela inclut donc l’oncle qui tape systématiquement les fesses de sa filleule, ou le commentaire salace et répétitif du genre «hum, j’aimerais être ta banane», illustre Janique Boivin, coauteure et travailleuse sociale dans un CALACS également. «C’est de la violence parce qu’on ne respecte pas l’enfant. Et les conséquences sont similaires. L’enfant ne se sent pas bien».

Grosso modo, l’agression type se déroule comme suit : un père, un oncle, un voisin, un gardien ou une personne de confiance de sexe masculin (98% des personnes accusées sont des hommes) se retrouve seul à seul avec l’enfant. Le parent ne se doute de rien, car il a confiance, justement. L’agresseur commence par des petits attouchements, passe à la fellation, puis à la pénétration. «Habituellement, il y a une gradation, mais pas toujours», précisent les auteures. L’agresseur, usant de son rôle d’autorité, force l’enfant à garder le secret par toutes sortes de moyens. Du genre: «Si tu parles, je ferai la même chose à ta soeur…»

Le livre est d’ailleurs bourré de faits vécus, entendus par les auteures dans leur pratique. Certains passages sont d’ailleurs très difficiles à digérer. Mais c’est voulu. «Nous voulions parler des vraies choses, expliquent-elles. Personne n’est à l’abri. On ne peut pas toujours voir ça venir. Notre pouvoir, c’est de nous informer. Et notre livre est un outil.»

Un outil pour décoder les signaux de détresse, mais aussi pour favoriser les confidences (en encourageant l’enfant, quotidiennement, à exprimer ses émotions, ses malaises, à s’affirmer). Le livre propose d’ailleurs des exercices à faire avec l’enfant, pour s’exercer non seulement à le faire parler, mais aussi, surtout, à l’écouter.

Parce que oui, on peut se remettre d’une telle agression. Mais plus l’enfant en parle tôt, mieux c’est. Encore faut-il qu’il soit entendu.

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